Les idées étaient alors assez floues ; s’agirait-il d’une véritable bibliothèque dont une archiviste méticuleuse rangerait les volumes en désordre, égrenant au passage des histoires que viendrait incarner des pages déchirées ? Ou bien d’un livre-monde, dont chaque page nous emmènerait ailleurs ?
Assez rapidement s’est imposée l’idée de travailler sur un conte, un de ces contes un peu cruels que j’aimais petite, les Petits contes nègres pour les enfants des blancs de Blaise Cendrars, par exemple. Un conte qui parlerait de création et de destruction, d’un cycle qui voit les choses et les gens naître puis mourir, et renaître autrement. Cela s’accordait à la fois avec la fragilité du matériau-papier - sa capacité à être réduit en bouilli pour refaire du papier - et avec l’idée du livre-monde.
J’ai donc relu les contes tels que réécrits par Blaise Cendrars, surtout celui qui m’avait laissé le plus de souvenirs, « C’est bon. C’est bon. ». Ce qui est frappant dans cette histoire, c’est justement sa structure répétitive, l’intervention des mêmes personnages fantastiques (les « guinées » chez Cendrars) qui rythment le récit de manière implacable, créant et détruisant tour à tour. Mais une chose me laissait sur ma faim : tout le monde mourrait et rien ne se créait.
Alors j’ai eu envie d’écrire « ma » version du conte, sur la même structure de base, mais qui « boucle la boucle » de manière plus douce, avec la création du fleuve Niger, fleuve né des larmes d’une femme. J’ai appris depuis que cette version du conte s’ajoute à une multitude de versions, que ce conte fait partie de bien des répertoires, certains lui clamant une origine nubienne (« Le Roi des Echos »), d’autres irlandaise (« Le Champ du Lutin »), sans que personne ne sache vraiment d’où vient cette histoire. Une conteuse m’a même dit qu’elle connaissait une version qui retraçait la naissance du Lac Titicaca.
Pour mettre en scène cette histoire, notre envie était de chercher à la croisée des chemins entre le conte (dans son adresse théâtrale à un public) et la marionnette – une marionnette un peu particulière puisque faite de papier et en deux dimensions. Nous avons utilisé cette liberté du conteur qui peut parler, chanter, incarner tour à tour tous les personnages, mais en utilisant les possibilités qu’offre la marionnette de visualiser tous ces personnages, de leur donner vie en dehors de soi. L’interprète peut alors naviguer entre son petit monde de papier et tout l’espace scénique, et entre différents registres de jeu.
Tout ce petit monde est en noir et blanc, avec juste, ça et là, quelques touches de bleu. Les personnages et les pages du livre ont été réalisés en gravure sur bois, qui a un impact visuel différent du dessin (et permet en plus de refaire les personnages à l’identique lorsque le papier s’abîme !). Cette économie et cette cohérence visuelles étaient importantes pour nous, afin d’éviter la débauche multicolore que l’on associe trop souvent avec l’enfance. La simplicité du code graphique permettait également de créer des génies chaque fois différents, et pourtant immédiatement reconnaissables à chaque apparition. Et pour que la boucle soit bouclée, c’est avec un de ces petits génies que repart chaque enfant, un petit souvenir de papier qui permettra peut-être à chacun de se raconter à nouveau l’histoire, à sa manière…
Assez rapidement s’est imposée l’idée de travailler sur un conte, un de ces contes un peu cruels que j’aimais petite, les Petits contes nègres pour les enfants des blancs de Blaise Cendrars, par exemple. Un conte qui parlerait de création et de destruction, d’un cycle qui voit les choses et les gens naître puis mourir, et renaître autrement. Cela s’accordait à la fois avec la fragilité du matériau-papier - sa capacité à être réduit en bouilli pour refaire du papier - et avec l’idée du livre-monde.
J’ai donc relu les contes tels que réécrits par Blaise Cendrars, surtout celui qui m’avait laissé le plus de souvenirs, « C’est bon. C’est bon. ». Ce qui est frappant dans cette histoire, c’est justement sa structure répétitive, l’intervention des mêmes personnages fantastiques (les « guinées » chez Cendrars) qui rythment le récit de manière implacable, créant et détruisant tour à tour. Mais une chose me laissait sur ma faim : tout le monde mourrait et rien ne se créait.
Alors j’ai eu envie d’écrire « ma » version du conte, sur la même structure de base, mais qui « boucle la boucle » de manière plus douce, avec la création du fleuve Niger, fleuve né des larmes d’une femme. J’ai appris depuis que cette version du conte s’ajoute à une multitude de versions, que ce conte fait partie de bien des répertoires, certains lui clamant une origine nubienne (« Le Roi des Echos »), d’autres irlandaise (« Le Champ du Lutin »), sans que personne ne sache vraiment d’où vient cette histoire. Une conteuse m’a même dit qu’elle connaissait une version qui retraçait la naissance du Lac Titicaca.
Pour mettre en scène cette histoire, notre envie était de chercher à la croisée des chemins entre le conte (dans son adresse théâtrale à un public) et la marionnette – une marionnette un peu particulière puisque faite de papier et en deux dimensions. Nous avons utilisé cette liberté du conteur qui peut parler, chanter, incarner tour à tour tous les personnages, mais en utilisant les possibilités qu’offre la marionnette de visualiser tous ces personnages, de leur donner vie en dehors de soi. L’interprète peut alors naviguer entre son petit monde de papier et tout l’espace scénique, et entre différents registres de jeu.
Tout ce petit monde est en noir et blanc, avec juste, ça et là, quelques touches de bleu. Les personnages et les pages du livre ont été réalisés en gravure sur bois, qui a un impact visuel différent du dessin (et permet en plus de refaire les personnages à l’identique lorsque le papier s’abîme !). Cette économie et cette cohérence visuelles étaient importantes pour nous, afin d’éviter la débauche multicolore que l’on associe trop souvent avec l’enfance. La simplicité du code graphique permettait également de créer des génies chaque fois différents, et pourtant immédiatement reconnaissables à chaque apparition. Et pour que la boucle soit bouclée, c’est avec un de ces petits génies que repart chaque enfant, un petit souvenir de papier qui permettra peut-être à chacun de se raconter à nouveau l’histoire, à sa manière…